Plus question de laisser sa progéniture enfourcher une bicyclette avec la tête pas couverte. A compter de ce mercredi, le port du casque est obligatoire pour les enfants de moins de 12 ans, qu’ils soient conducteurs ou passagers. Il était auparavant simplement recommandé. Le but de cette mesure, officialisée fin décembre – le décret prévoyait un délai de trois mois pour que chaque famille puisse avoir le temps de s’équiper –, est de «réduire la gravité des blessures au visage et les risques de traumatismes crâniens des enfants pratiquant le vélo», explique le ministère de l’Intérieur, qui espère voir la pratique se diffuser chez les cyclistes de tous âges par ricochet. L’adulte qui accompagne ou transporte l’enfant sans casque (sur un siège ou un porte-bébé) devra s’acquitter d’une amende de 90 euros.
Des effets protecteurs avérés
Le port du casque réduit-il vraiment le risque de blessures à la tête ? Cela ne fait pas de doute, surtout chez les plus petits, fait valoir le ministère, les chocs sur cette zone chez les jeunes enfants pouvant «causer des traumatismes plus grave que chez les adultes ou adolescents». Selon la Sécurité routière, qui cite une étude parue en 2011, «le casque diminue le risque de blessure sérieuse à la tête de 70%, le risque de blessure mineure de 31% et le risque de blessure au visage de 28%». D’après d’autres travaux de recherches cités par la même source, le port du casque diminue le risque de perte de connaissance, qui passe de 98% dans le cas d’une tête non casquée à 0,1% pour une tête casquée.
D’autres études récentes confirment cette tendance : l’une d’entre elles, publiée en 2015 dans le Journal of the American College of Surgeons, et menée par des chercheurs de l’université de Tucson, en Arizona, sur plus de 6 000 patients américains, atteste que le port du casque diminue de 58% les risques de traumatismes crâniens sévères après une chute à vélo. Des chercheurs australiens ont également conclu, dans une étude parue en 2016, que le port du casque réduisait les risques de blessures à la tête et au visage, surtout les blessures graves ou mortelles. Avec cette mesure, la France veut aussi s’aligner sur ses voisins européens. Le port du casque est en effet obligatoire dans douze pays membres : pour tous les cyclistes en Finlande, jusqu’à 10 ans à Malte, 12 ans en Autriche et en Lettonie, 15 ans en Slovaquie, Slovénie et Suède, 16 ans en Espagne, en Croatie et en Estonie, et jusqu’à 18 ans en République tchèque et en Lituanie.
Une prise de risque accrue
Certaines associations pro-vélo, elles, mettent en avant des conclusions d’études contradictoires, et vont parfois jusqu’à affirmer que le «casque vélo ne protège quasiment de rien», voire serait contre-productif. L’un des arguments avancés par ceux qui défendent le droit de rouler tête nue : le fait que l’enfant casqué, se sentant protégé, risque d’être moins vigilant et d’avoir des comportements dangereux (une tendance à la prise de risque effectivement démontrée récemment par des chercheurs britanniques chez des adultes). Une expérience, menée en 2005 en Grande-Bretagne, a aussi montré même que les automobilistes avaient tendance à s’approcher davantage des cyclistes casqués que de ceux non casqués. La Fédération des usagers de la bicyclette (FUB), qui défend la «liberté de choix» des usagers plutôt que l’obligation légale de port du casque, cite aussi sur son site web une enquête d’un institut français, l’IFSTTAR, menée dans le département du Rhône, selon laquelle les cyclistes accidentés seraient plus souvent atteints aux bras ou aux jambes qu’à la tête ou au visage. Au rayon des arguments puisés dans la littérature scientifique et les diverses stats officielles, on trouve aussi le fait que les cyclistes décédés ou grièvement blessés dans des accidents portent généralement un casque.
Pour ceux qui préfèrent chevaucher leur vélo cheveux aux vents, l’obligation du port du casque renvoie aussi l’image d’un moyen de transport dangereux. A tort, puisque davantage d’automobilistes, de piétons et de motocyclistes que de cyclistes ont par exemple été blessésdans les rues de Paris ces dernières années. Si on pousse la logique jusqu’au bout, il faudrait donc rendre le casque obligatoire également pour ceux qui circulent à pied, en voiture, ou même prennent les escaliers, exposés eux aussi aux risques de chutes, ironisent (avec un peu de mauvaise foi) certaines associations, pour qui obliger les cyclistes à porter un casque est aussi aberrant que de forcer les nageurs à porter une bouée pour éviter la noyade. Le port du casque aurait, selon ses détracteurs, tendance à faire peur et à décourager les cyclistes et les futurs usagers, et mettrait un frein au développement de la pratique du vélo : ce qui a été en effet constaté dans les pays qui ont rendu le casque obligatoire (pour tous), comme le Canada, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, sans que l’on ne connaisse encore les effets à long terme, comme l’expliquait Libération fin 2015.
Et alors que les bénéfices de la pratique régulière du vélo en termes de santé sont «largement supérieurs aux risques», selon une étude de l’Observatoire régional de santé d’Ile de France. Obliger les cyclistes à porter un casque, même les plus jeunes, n’est donc pas la mesure «la plus pertinente», selon le président de la Fédération des usagers de la bicyclette, Olivier Schneider, interrogé par l’AFP, qui indique qu’un seul enfant de moins de 12 ans est mort à vélo l’an dernier (sur 159 cyclistes tués, en hausse de 7%). «Ce n’est pas parce qu’on porte un casque qu’on va savoir éviter les accidents», fait valoir le responsable, qui prône plutôt la systématisation de «l’apprentissage de la mobilité vélo à l’école primaire, pour savoir faire du vélo sur la voie publique».